Aménagement innovant des bassins versants et sécurisation des productions agricoles en Haïti
Un projet innovant dans une région difficile
Forte de son expertise en matière d’aménagements de bassins versants à Salagnac, Gros Morne et Cange, Un Enfant par la Main a démarré son action sur la chaîne des Matheux à l’occasion de ce projet.
La Chaîne des Matheux est une région très enclavée et caractérisée par un accès à l’eau très difficile, surtout durant la longue saison sèche (novembre – avril).
Un grand nombre de familles de la région connaît un niveau de pauvreté extrêmement élevé qui se traduit par :
- de sérieux problèmes d’insécurité alimentaire (sous-nutrition et malnutrition),
- des taux de mortalité infantile très élevés,
- des taux de scolarisation très faibles.
Grâce à ce projet mené de mi-décembre 2013 à fin novembre 2016 sur deux nouveaux sites :
- 6ème section communale des Verrettes
- et Plaine d’épandage de Malval à Saint-Louis du Sud,
des pratiques innovantes pour renforcer les capacités des petites exploitations agricoles familiales haïtiennes ont été mises en place et diffusées.
Les familles sont maintenant en capacité de s’adapter aux changements climatiques (cyclone et sécheresse) tout en diversifiant et sécurisant leurs revenus.
Réalisé en partenariat avec le GRET, ce projet au budget de 925 000€ a été cofinancé par :
- l’Agence Française de Développement,
- le Conseil régional d’Île-de-France,
- l’Ambassade de France en Haïti,
- et des donateurs privés.
Un an après la clôture du projet, les résultats sont au rendez-vous.
Une amélioration des méthodes de travail des agriculteurs
Des échanges entre agriculteurs de différentes zones rurales ont été organisés.
Accompagnés de deux agronomes d’Un Enfant par la Main, 60 hommes et femmes de la Chaîne des Matheux ont passé une semaine dans la région de Salagnac.
Ils ont observé des aménagements et des modes de culture différents de ceux de leur région qu’ils ont comparés avec leurs propres pratiques.
Ils ont également participé à des ateliers de greffage d’arbres fruitiers.
25 agriculteurs et agricultrices de la région ont pris part à ces sessions de greffage et une centaine d’arbres ont été greffés par les participants durant l’échange paysan.
De plus, chaque participant a reçu un greffoir lui permettant de poursuivre l’activité de greffage en autonomie.
Au-delà de l’impact direct sur leurs propres pratiques, les participants sont aujourd’hui en mesure de diffuser ces compétences auprès d’autres agriculteurs.
Ils peuvent également vendre des greffes afin de diversifier et d’augmenter leurs revenus.
Une sécurisation des revenus des familles les plus vulnérables
La priorité a été mise sur la diversification et la sécurisation des revenus des familles.
Pour garantir l’accès à l’eau et une meilleure gestion des sols, des ouvrages de petite hydraulique ont été construits :
- Des citernes familiales (8 à 12 m²) et communautaires (30 à 32 m²) ont libéré les femmes et les enfants des corvées d’eau. Les femmes peuvent se concentrer sur des activités économiques telles que la vente de leur production agricole. Le taux de scolarisation a augmenté.
- Des bassins communautaires (40 à 80 m²) stockent les eaux de ruissellement utilisées pour les usages domestiques (lessive, hygiène) et agricoles (arrosage de pépinières maraichères et forestières, abreuvement du bétail).
- Les alluvions transportés par les eaux de ruissellement sont maintenant retenus par la construction de seuils maçonnés ou de seuils en gabions dans les ravines moyennes.
- Des bandes de roulement plurifonctionnelles ont été construites sur des chemins ruraux en mauvais état. Les sites de productions sont désormais désenclavés et les ruissellements sont ainsi acheminés vers les bassins construits en aval des chemins.
Au total, 1839 mètres linéaires de pistes rurales ont été aménagés.
16 ouvrages d’hydraulique de montagne ont été construits.
327 m3 d’eau sont désormais stockés et 921 familles bénéficient d’un accès à l’eau amélioré.
Deux ravines moyennes (fond déga et cahos) ont été aménagées durablement et d’autres ont été identifiées pour de prochains aménagements.
Ces travaux ont été l’occasion de former par compagnonnage des jeunes de la région à la maçonnerie.
Forts de ces nouvelles compétences, ils peuvent maintenant diversifier leurs revenus agricoles avec des travaux de maçonnerie.
603 personnes de la zone ont été recrutées comme main d’œuvre locale et 162 prestataires de services locaux (vente d’eau, de roches, de sable) sont intervenus sur les différents chantiers.
Un programme de végétalisation a été mis en place.
La production agricole est renforcée et une production plus rémunératrice et respectueuse de l’environnement (culture de l’igname jaune, cultures maraîchères, haies vives, introduction de plantules arboricoles) est privilégiée.
A ce titre, la culture de l’igname jaune est renforcée. Sur les trois années du projet, plus de 30 000 plants ont été distribués à plus de 800 agriculteurs.
Toutefois, le projet a bénéficié à un nombre bien plus important de familles, les plants ayant été spontanément distribués par les agriculteurs eux-mêmes à d’autres familles.
Les agriculteurs ont expérimenté la culture de nouvelles plantes maraîchères (carottes, persil, poireaux, aubergines, tomates, piments et gombo).
48 agriculteurs ont mis en place des parcelles d’expérimentation sur leurs exploitations (300 à 700 m2).
Des plantules arboricoles ont été introduites comme source supplémentaire d’alimentation, protection des cultures et constitution d’une épargne.
Enfin, nos équipes ont planté des haies vives pour protéger les parcelles cultivées.
La valorisation des pratiques agro-écologiques dans les écoles
L’éveil des enfants à l’environnement a été mis à l’honneur.
La découverte, l’observation, l’échange et la discussion ont constitué une pédagogie active et innovante.
195 jeunes ont bénéficié de ces séances particulièrement plébiscitées.
Au cours de ces séances, ils ont observé des parcelles de cultures maraîchères, visité des ravines aménagées et discuté de l’utilisation qui peut être faite de l’eau recueillie dans les différents types d’ouvrage (citernes, bassins de fond de ravine ou bassin de bord de route).
Ils ont mesuré les dimensions de ces ouvrages en utilisant un ruban métrique et visionné un documentaire sur le cycle de l’eau permettant de comprendre la formation des précipitations pour remettre en perspective les superstitions haïtiennes attribuant les sécheresses à des croyances mystiques.
Témoignage de Nadège
Suite à la semaine d’Eveil à l’Environnement durant laquelle des enfants de la Chaîne des Matheux sont venus à Salagnac – mars 2016 :
Je m’appelle Nadège, je suis élève en classe de CM1 dans la localité de Catienne, 6ème section rurale de Terre Nette (ou Tenet), commune des Verrettes.
J’étais la seule de mon école à avoir fait le voyage jusqu’à Salagnac, je ne connaissais aucun des autres enfants : maintenant, je les connais tous.
On a pris le bus et on est passé par les villes de Pont Sondé, de Saint-Marc et de Port-au-Prince.
A Salagnac, j’ai vu des choses très différentes de chez moi.Les arbres ne sont pas les mêmes, les cultures non plus.
Il y a beaucoup d’associations de cultures : sur une même parcelle, il y a du maïs, des haricots, des patates douces, des choux, des carottes.
Je n’avais vu cela. Ici, y a aussi de l’eau et moins de déchets.
Maintenant, je sais que plus tard j’aimerai être agronome !
Un projet sous haute surveillance
Des ajustements ont été mis en place suite à une évaluation externe réalisée par un consultant spécialisé en gestion de l’eau et en développement rural.
De leur côté, deux doctorantes ont mené un travail de recherche-action qui a contribué à une meilleure connaissance de la zone.
Le GRET et Un Enfant par la Main ont organisé un atelier de retours d’expérience.
Sur la base des analyses disponibles, les 70 participants ont formulé collectivement des recommandations pour la continuité et le développement de ces démarches en Haïti.
Plusieurs membres d’institutions étatiques et d’organisations internationales intéressées par les aménagements réalisés et plus spécifiquement par la méthodologie de leur mise en place se sont rendus sur la Chaîne des Matheux.
Ils ont observé les résultats des actions menées dans les zones d’intervention d’Un Enfant par la Main durant la période du projet
Les compétences de l’équipe renforcées
Dans le cadre du projet, Un Enfant par la Main a dispensé des sessions de formation à ses équipes.
9 collaborateurs Haïtiens travaillant au bureau de Port-au-Prince et sur le terrain ont bénéficié d’une formation au logiciel Excel.
Par ailleurs, les équipes terrain ont bénéficié d’une formation en cartographie. Ils ont ainsi acquis des compétences cartographiques, une réelle valeur ajoutée dans ce pays où elles sont rares.
Enfin, les stagiaires agronomes d’Un Enfant par la Main (devenus salariés de l’association au cours du projet), ont suivi plusieurs formations, notamment auprès d’Adeline BOUVARD et Ariane DEGROOTE, nos deux doctorantes.
Une base de mission a été construite. Elle permet d’éviter de longues heures de trajet quotidiennes aux équipes pour se rendre sur la zone.
Elle constitue dorénavant un lieu d’accueil pour des petits groupes de visiteurs et de stagiaires en formation dans la région.
Un projet pérenne et duplicable
Grâce à ce projet, des compétences ont été acquises de manière durable et des référentiels techniques sont dorénavant disponibles.
Des projets similaires peuvent maintenant être mis en place dans des zones où les moyens nécessaires sont disponibles.
Au nom de toute l’équipe d’Un Enfant par la Main, nous tenons à remercier chaleureusement tous ceux qui, de près ou de loin, ont permis à ce projet de voir le jour.
Témoignage d’Adeline BOUVARD, doctorante au sein d’Un Enfant par la Main
Suite au passage du cyclone Matthew à l’automne, les agriculteurs nous ont témoigné à quel point il leur était précieux de pouvoir correctement abreuver le cheptel qu’ils ont pu conserver et qui a une importance toute particulière dans un contexte où une grande partie des récoltes a été perdue.
Les bassins déjà vides ont été nettoyés par les familles résidant à proximité durant la première semaine d’avril, sous leur propre impulsion.
L’eau est trop précieuse, « on ne peut pas se permettre qu’elle soit salie par de la terre » nous expliquait un agriculteur travaillant une parcelle avoisinant un des ouvrages.
Chaque jour, les enfants de l’école du village de La Borne ont pu rentrer chez eux avec un bidon d’eau, leur permettant de ne pas être obligés d’aller à la source le matin et d’arriver à l’heure en classe.
Les bénéficiaires des premières citernes familiales se sont quant à eux réjouis de l’arrivée des premières pluies qui ont commencé à remplir les citernes construites en début d’année : le niveau d’eau dans le réservoir était encore faible quand nous avons quitté la région mais déjà de nombreux enfants en bénéficiaient pour se laver le matin avant de revêtir l’uniforme scolaire !
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